jeudi 8 mars 2018

Zen au Zenana

Après une interminable croisade pacificatrice de trente années, le Marquis-Siridar est enfin de retour chez lui. 

Au cours de cette épopée, il s'est rendu maître de dizaines et de dizaines de systèmes solaires, il a obtenu l’allégeance des Seigneurs des étoiles voisins et ramené un butin très varié (matériel et humain) dans les soutes de ses vaisseaux de guerre. 

Mais, en son absence, les manigances se sont multipliées sur son propre monde et dans les sphères du pouvoir. La situation lui échappe au cœur même de son palais. Une génération entière de potentiels héritiers, d'épouses traîtresses et de courtisanes manipulatrices, sans compter de nombreux et avides prétendants, ont pris possession du centre du pouvoir. Il est plus que temps de réagir et de reprendre le contrôle ! 

Après avoir participé incognito aux Jeux Funèbres commémorant son propre décès, et en être sorti incroyablement victorieux, le Marquis va commencer sa reconquête par le "palais au centre du palais", le Gynécée, le Zenana, plus connu sous le nom de "Palais des femmes".

---
Alf se tenait gravement au coeur de l'arène, sous l'impressionnante masse du vaisseau Fleur d'Hassadan en lévitation. Les clameurs de la foule assoiffée de violence s'étaient brusquement tues. Les spectateurs privilégiés qui avaient négocié, et même arraché de haute lutte le droit d'être présents pour le sacre supposé d'un nouveau Seigneur, étaient sous le choc de la férocité qu'Alf, le vainqueur ultime, venait d'exhiber. Ce dernier rompit le lourd silence en poussa un cri de triomphe ; mais un triomphe toujours mêlé d'une rage écumante. L'armure qu'il revêtait était couverte du sang et des lambeaux de chair de ses rivaux vaincus, tous des usurpateurs, désormais fracassés, déchiquetés, éparpillés. Pourtant, en cet instant, le vainqueur des Jeux Funèbres, n'avait toujours pas cessé d'être telle une bête fauve. Ses yeux étaient injectés de sang, et son sang gorgé d'adrénaline et des multiples substances (hormones naturelles et stimulants synthétiques) qu'il avait endocrinées pendant son combat. Dans cet état, il aurait pu massacrer quiconque se serait présenté devant lui. Tel un Berseker sous l'emprise de drogues de combat, il n'avait pas encore recouvré ses esprits. Les substances, émises par des glandes nano-chirurgicalement modifiées, bouillonnaient dans ses veines. Même la victoire n'avait pas apaisé sa colère vengeresse et dévastatrice.

Bien que blessé, rendu amnésique et complètement défiguré par l'attentat dont il avait été la cible -un attentat qui avait éradiqué tout son état-major-, il était revenu d'entre les morts. Il avait même progressivement retrouvé toute sa mémoire durant les Jeux.

Instinctivement, Alf déclencha mentalement son auréole identificatrice : celle du Marquis de Calypso, Seigneur de la Marche Impériale éponyme. Ce dispositif inviolable, garanti par la Loge Tekno, ne souffrait aucun doute. Le maître des lieux reprenait possession de son domaine. Il commanda à sa garde prétorienne : "Attrapez-les tous !" et celle-ci réagit sans réfléchir, prompte à obéir à nouveau au seigneur légitime du Palais. Les soldats impériaux se déversèrent depuis l'aile d'Arès -située au nord-est- et investirent totalement la vaste cour intérieure, aménagée en arène à l'occasion des Jeux Funèbres. Grâce à des "grenades d'emprisonnement", tous les spectateurs furent arrêtés, sans exception, pour être ultérieurement soumis à des interrogatoires. Captifs dans leurs bulles de stase flottantes, les rapaces sans vergogne qui croyaient se délecter sur le dos du cadavre allaient apprendre à leurs dépens, certains douloureusement, que Son Absente Majesté était non seulement toujours vivante mais plus que jamais coriace ; et désormais impitoyable.

Une fois les intriguants potentiels maîtrisés, puis rassemblés dans les cachots profonds du Palais, le Marquis se dirigea vers le sud de l'arène, seul, n'hésitant pas à piétiner les cadavres des ennemis terrassés. De son pas extrêmement décidé, engoncé dans son armure Terminator, il atteignit pesamment l'escalier monumental qui conduisait à l'aile sud -dite d'Aphrodite- c'est-à-dire au gynécée. Ses épouses, choquées ou ravies par le spectacle du mâle dominant qui venait de reprendre brutalement possession de son domaine, ne pouvaient plus que l'y attendre, soumises et tremblantes, craignant peut-être pour leur vie et donc prêtes à tout pour l'accueillir dans leurs meilleurs atours.

Depuis leurs mariages, pour pure raison d'Etat, elles y vivaient toutes cloîtrées. Cloîtrées mais quand même interconnectées avec le monde du dehors. D'ailleurs, faute d'un monarque présent pour gérer la Marche, c'était bel et bien depuis "le palais dans le palais" que les décisions avaient été progressivement prises au cours de ces interminables décennies belliqueuses. 

Le Palais du Seigneur de Calypso, en vue aérienne
Zenana (aile d'Aphrodite) au sud, caserne de la garde prétorienne (aile d'Arès) au nord-est

La façade extérieure, au sud du Zenana, donnant sur la ville


Alf monta les premières marches basaltiques de l'escalier monumental en frappant lourdement le sol de ses bottes biométalliques mais, très vite, l'impatience le gagna et il actionna son propulseur dorsal pour se poser directement devant les portes de pierres du Zenana. Il observa un bref instant les bas-reliefs qui ornaient les parois coulissants : des scènes de volupté inspiréés de l'antique Kajuraho mais aussi des figures menaçantes, de gardiennes mythologiques ou bien réelles comme Shade ...
"Shazam, ouvre-toi !" ordonna "l'époux des cinquante et une" en actionnant à nouveau son auréole identificatrice. Et le sas aux portes de pierres lui obéit.

Une fois à l'intérieur, le Marquis Alf s'extirpa à la hâte de sa lourde armure. Aussitôt, une forêt de tubes flexibles jaillirent des murs, menaçants, et l'auscultèrent, prêts à l'emprisonner s'il ne répondait pas aux critères d'admission très stricts, programmés de longue date.

Reconnu par le gardien d'amarante, l'homme au visage marqué par de nombreux combats avança vers une seconde porte. Elle se découpait dans le mur du fond : un cadre ovoïde fermé par un rideau de texture organique, mouvant et pouvant évoquer une forme humaine drapée d'ample robe. Cette étrange membrane était capable d'identifier les éventuels intrus et de les engluer jusqu'à ce que la sécurité les évacue. Le coeur palpitant extrêmement fort à cause des drogues de combat, Alf ne put rsister à son empressement. Il fonça la tête la première et déchira cet hymen symbolique.


Une fois à l'intérieur, il fut littéralement douché et stérilisé par les systèmes automatiques car tous les capteurs du gynécée avaient détecté ses innombrables meurtrissures, les projections de sang (celui de ses ennemis, surtout) et autres poussières de l'arène susceptibles d'apporter des impuretés à l'intérieur du Zenana.

Quand il pénétra enfin dans le couloir principal, vêtu de haillons et dégoulinant de douches antiseptiques parfumées, Alf fut accueilli par une haie de servantes, de courtisanes et d'épouses, en apparence toutes plus dévouées les unes que les autres et ô combien heureuses de pouvoir à nouveau étreindre leur légitime époux. Il s'apprêtait à connaître un bain de foule ... inoubliable.

Réflexe de mâle étalon : avant de faire le premier pas, il plongea la main dans le bénitier distributeur de pilules Afro et en avala goulument une poignée ...


[A SUIVRE...] 

Sources d'inspiration :

Cône d'intimité, sonore mais aussi visuelle, selon le souhait des utilisateurs (technologie Tekno)
Beautés réservées au seul maître du Palais


Innombrables cours intérieures et jardins d'ornement, de senteurs et de douceurs exquises, peuplés par les épouses et les concubines mais aussi quelques rares serviteurs du genre "neutre"


Pour accueillir le Marquis si longtemps absent, et surtout ô combien terrifiant dès son retour, les épouses vont déployer tous leurs atouts pour s'attirer les bonnes grâces du Seigneur 

Mais les intrigues ne s'arrêteront jamais ... tant qu'il y aura du pouvoir concentré dans les mains d'un seul ou de quelques-uns, il y aura des rivalités incessantes pour s'en emparer, par la force ou par la ruse.