Avec quelques affaires dans un solide sac à dos, il part à l'aventure, une fois de plus, dans le sous-continent indien. De tous les pays qu'il a visités, il en est un qui ne s'épuise jamais, grâce à sa culture multi-millénaire et à la tolérance de sa population : l'Inde !
Cette fois, G veut découvrir le site archéologique de Khajurâho. Il se situe au cœur de l'Inde ancienne, au sud d'Agra (réputée pour son extraordinaire mausolée, le Taj Mahal, un monument d'amour d'un époux veuf à son épouse favorite) et également au sud du plus saint des sept fleuves sacrés de l'Inde : le Gange.
Le voyage commence confortablement, en avion, de l'Europe occidentale jusqu'à l'une de ces métropoles indiennes où la population se compte en dizaines de millions d'habitants. La suite du périple se fait en bus. Mieux vaut confier la conduite à un professionnel car les routes et les rues de l'Inde sont réservées aux conducteurs initiés. Camions, voitures, cyclistes, piétions et ... vaches sacrées surgissent de partout, et à tout moment ! Il est vraiment dangereux de s'y risquer quand on n'est pas né dans un tel désordre routier.
Plusieurs heures et un mal au dos sont malheureusement nécessaires pour accomplir le voyage terrestre ; mais G est enfin arrivé sur place. Il trouve un hébergement de routard dans un petit hôtel et s'enquiert d'un guide pour profiter au mieux du site et en comprendre toute l'histoire et la portée culturelle. D'autres touristes étrangers, européens et asiatiques, sont également présents. Un petit groupe est constitué et bientôt, la visite peut commencer. Les hôtesses en tenue traditionnelle, belles comme des actrices de cinéma indien (toutes en rondeur et sensualité), accueillent le groupe de touristes. Une des hôtesse, souriante et aux grands yeux expressifs, conduit G et les autres touristes jusqu'à la personne qui va leur fournir toutes les explications, en anglais (avec ce typique accent indien). C'est une superbe femme, Indienne bien évidemment, mais habillée à l'occidentale, avec un tailleur très élégant, arborant tout de même ces magnifiques cheveux noirs et cette peau hâlée qui font la spécificité et la beauté des femmes du sous-continent. Précisons qu'on trouve toutes les teintes du blanc laiteux au noir de jais, parmi les habitants de l'Inde, du Nord au Sud.
Le regard de la guide est troublant de sensualité pourtant, c'est la pudeur et la retenue, propres aux femmes de ce pays, qui émanent d'elle. D'emblée, cette personne raffinée est déstabilisante. Mais, compte tenu du professionnalisme affiché et de la culture qu'elle va prodiguer, le bouillant G pourra se concentrer sur la visite.
Son discours commence, riche et passionnant, et les touristes culturels s'extasient devant la beauté du site.
D'une voix sensuelle et avec un accent délicieux, elle déclame ainsi : "Œuvre de la dynastie des Chandella, qui connut son apogée entre 950 et 1050, les temples de Khajurâho, dont il ne subsiste plus qu'une vingtaine, se répartissent en trois groupes distincts. Ils appartiennent à deux religions différentes, l'hindouisme et le jaïnisme et réalisent une synthèse exemplaire entre l'architecture et la sculpture."
Chemin faisant, le groupe de touristes peut admirer les beautés architecturales du site.
Zélée, la charmante guide explique également à son groupe de touristes que, d'après l'hindouisme, il existe quatre fins (buts) à l'existence humaine :
1- le Kama
2- l'Artha
3- le Dharma
4- et la Moksha
Kama étant le dieu de l'amour, en Inde, ce but de la vie est le plaisir. Il peut être la jouissance comme dans le "Traité de l'amour" (Kama Sutra) ou le plaisir sous diverses formes plus modérées. On y voit des analogies frappantes avec l'hédonisme grec, du cyrénaïsme à l'épicurisme.
L'Artha désigne la richesse, le pouvoir. Dans notre société de consommation et de concurrence entre les hommes et au-delà entre les nations, cette fin matérialiste (avoir plutôt qu'être) apparaît comme extrêmement moderne.
Le Dharma correspond au devoir, à la loi cosmique. Les stoïciens grecs (Zénon de Kition, Cléanthe, et autres) et romains (Sénèque, Epictète, Marc Aurèle) insistent sur le devoir de chacun de rester à sa place et de vivre sa vie conformément à son devoir, au sens de destin divin, en accord avec la nature et la raison pour atteindre la sagesse et le bonheur. Dans le Bagavit-Gita, c'est la doctrine que professe Krishna. Les Chinois de l'époque impériale rejoignaient aussi ce point de vue.
Enfin, la Moksha est la délivrance : la libération de l'âme emprisonnée dans le cycle des réincarnations. Cette finalité est caractéristique du bouddhisme et du jaïnisme selon lesquels la vie n'est que douleur, issue des désirs. Y échapper, se fondre dans le néant (ou la divinité ultime), voilà le quatrième et plus précieux but de l'existence pour l'hindouisme.
Architecture et culture sont ainsi dévoilées, expliquées, pour le plus grand bonheur des visiteurs. Mais on arrive enfin à la spécificité du site ...
Les statues que la belle guide dévoile maintenant illustrent qu'ici, à Khajurâho, c'est le dieu Kama qui eut la préférence des fidèles. Sur les murs du temple de Kandariya, on peut admirer une profusion de sculptures qui comptent parmi les plus grands chefs-d'œuvre de la plastique indienne ... et de l'érotisme tout simplement. Poitrines généreuses et dénudées, cambrures à peine drapées, couples pratiquant le coït, groupes se livrant à des orgies acrobatiques. On trouve de tout, même de la zoophilie !
Les esprits s'échauffent, des regards se croisent tantôt amusés tantôt émoustillés, et au milieu de cette émotion collective, la très belle et désirable guide reste extraordinairement impassible. Quant à G, il parcourt avidement le site, jusqu'à l'épuisement, la saturation visuelle. Au terme de la longue et très intéressante visite, il cherche de l'ombre, sur un monticule, derrière un temple, et s'assoupit. Lorsqu'il retrouve ses esprits, il fait déjà nuit et le site a été complètement évacué par le public, puis fermé par les gardiens du temple !
G se sent penaud, et se dirige à la faible clarté de la lune, jusqu'à la sortie ... sauf qu'en chemin, il aperçoit une lueur vacillante. C'est un feu de bois. Il fait demi-tour et s'approche avec curiosité. La variation de lumière semble due à des corps qui passent devant une flamme, un foyer, et l'éclipsent. Il avance discrètement, entend des mélopées. C'est un rituel nocturne, peut-être même secret, qu'il vient de surprendre ! G est maintenant tout près. Il franchit les derniers mètres en rampant et, du haut de sa cachette observe la scène. Rapidement, il reconnaît plusieurs visages croisés lors de la visite; entre autres une ou deux des hôtesses à l'entrée, une traductrice qui accompagnait un groupe d'Asiatiques, et surtout : sa guide, la magnifique Indienne, qui aurait dignement sa place aux côtés des splendides actrices de cinéma et autres Miss de ce pays.
Captivé par ses observations, G relâche son attention et, soudainement, il se sent agrippé par plusieurs mains et plaqué au sol. Simultanément, un chiffon humide est appliqué sur son visage. Il tente de se débattre quelques secondes mais ses membres s'alourdissent et il perd connaissance ...
Quand G reprend ses esprits, partiellement d'ailleurs, il est ligoté. Sa vision est encore trouble et il ne peut distinguer que de vagues silhouettes qui dansent autour de lui. Il aperçoit aussi le grand brasier dont il sent la chaleur sur son corps à travers ses vêtements. Il est attaché sur un plateau en bois de forme géométrique. Il tourne légèrement la tête pour essayer de mieux le voir. Il distingue deux triangles imbriqués, comme une étoile de David. Sa mémoire lui revient peu à peu : c'est aussi un symbole brahmanique qu'on trouve sur la plupart des temples hindous, au même titre que la svastika. Les deux triangles représentent l'union des principes féminins et masculins, lui semble-t-il ... C'est un symbole associé au démiurge, Brahma.
Mais quelque chose alerte son esprit embrumé et l'arrache à ses pensées. Plusieurs individus s'approchent de lui des poignards à la main. G a soudain peur d'être l'offrande de quelque rituel morbide. Il essaie de se débattre mais son corps est complètement paralysé par l'effet soporifique de la soma ; la drogue psychotrope qui a été utilisée contre lui. N'arrivant ni à bouger, ni à appeler au secours, il croit sa dernière heure venue ...
Les lames s'approchent, menaçantes, et se glissent dans les replis de sa chemise, dans son pantalon. Il distingue un peu mieux les assaillants qui, à en croire leurs généreuses poitrines à peine dissimulées sous un voile humide de transpiration, sont des assaillantes.
Alors qu'il s'attend à ressentir la douleur extrême des poignards s'enfonçant dans sa chair, il se sent tiraillé de chaque côté et entend l'étoffe de ses vêtements se déchirer mais aucune goutte de sang couler. Les danseuses sont en train de lacérer ses vêtements ! Parfois, le métal froid glisse sur sa peau mais aucune sensation de déchirure ou de douleur ne vient ensanglanter l'inquiétante situation. Le rituel étrange se poursuit inlassablement jusqu'à ce que G soit entièrement dénudé, comme un nouveau-né, exposé à la chaleur de la flamme et à la vue de toutes.
Aussitôt "délivré" de son enveloppe textile, de nombreuses mains, douces mais fermes, s'approchent de son visage et on le force à boire un breuvage chaud et très épicé. G ressent une brûlure lui glisser dans le torse, se poursuivre dans le ventre et finalement gagner tous ses membres jusqu'à leurs extrémités. Une sensation électrifiante ! Sa vision se trouble mais ses sensations du toucher sont exacerbées. Mollement, il essaie de relever la tête, ce qui provoque un vertige ... et il découvre les lambeaux de vêtements sur son corps ou éparpillés sur le plateau en étoile où il est allongé, attaché. Son visage se couvre de grosses perles de sueur, puis tout son corps. Situé exactement dans l'axe de rotation du socle en étoile de David (ou plutôt en étoile du démiurge Brahma), G découvre son pénis érigé tel le lingam de Shiva ! Il doit même s'y reprendre à deux fois car non seulement les proportions lui semblent augmentées mais en plus la couleur a viré au sombre ! Les mains ont-elles posé un onguent sur sa peau à cet endroit intime ? Sa mémoire flanche; la drogue est trop puissante. G comprend toutefois qu'au soma soporifique, qui immobilise son corps, les danseuses ont ajouté une autre drogue : un redoutable aphrodisiaque !
Mais "les mains", c'est désormais tout ce qu'il peut voir, n'en ont pas fini avec lui. Elles commencent à appliquer sur ses membres une huile camphrée. L'odeur est indubitable. Les drogues, la chaleur des flammes et maintenant cette huile ! Il a l'impression d'être en feu, littéralement. Dans son délire, G se croit torturé par une créature aux bras multiples mais au visage invisible, sombre, à contre-jour. Les mains remontent le long de ses quatre membres et enduisent son tronc de la même mixture camphrée. Son bassin est enduit, tout autour de son monstrueux pénis en érection. Son ventre et son torse subissent la même manipulation. G peut désormais apercevoir plus que les mains anonymes. Penchées sur ses jambes et ses bras, les officiantes à peine voilées, frottent leurs poitrines rondes sur son corps embrasé. G a l'impression que les statues du temple sont revenues à la vie, avides de chaleur et de contact charnel.
Le son des tambours accompagne maintenant les mélopées. Les danseuses tournoient autour des flammes mais G ne perçoit que de furtives silhouettes, fantomatiques. Par contre, il aperçoit maintenant une terrifiante bien que séduisante créature ! Elle a le visage de la guide indienne (celle qui faisait preuve d'une telle culture tout en arborant une apparence occidentalisée) mais celle-là est dotée de plusieurs bras ! Sa langue pendante a la couleur du sang et son regard est ... cannibale ! Ce n'est pas tout : G n'en est pas sûr, enivré qu'il est par la fièvre, les odeurs de fumée et de camphre, sans compter les effets psychotropes des drogues qu'on lui a administrées, mais la créature semble armée d'un étrange poignard et d'une coupe ! Il prend peur et s'imagine le pire : une émasculation !
L'angoisse soudaine et les drogues provoquent des hallucinations. G se croit entouré de démons et d'oiseaux de proie. Le brasier devient une flamme lointaine disparaissant derrière de sombres fumées. Le poignard incurvé, brandi par la Kali au visage de sa guide, s'approche dangereusement de son bas-ventre. G sent la lame sur sa peau. Le fil en est extrêmement aiguisé. En glissant, il tranche les poils de son ventre, de son pubis. D'un instant à l'autre, il s'attend à être cisaillé par la douleur mais le poignard contourne son sexe dressé. G relève à grand peine la tête pour voir ce qui se passe ... La déesse est en train de lui raser le sexe ! Et lorsqu'elle a terminé sa délicate manipulation, elle enserre le pénis, toujours outrageusement gonflé, d'une sorte de récipient en forme de ... vulve ? G se souvient; il a déjà vu ça dans les temples. La base du lingam est souvent un vase évoquant l'organe féminin.
La déesse se redresse et, avec ses pieds nus, se met à danser tantôt sur le torse, tantôt sur le support étoilé où est attaché sa victime. La danse est lascive, sensuelle, extrêmement érotique. Les multiples bras de la créature lui permettent simultanément d'accompagner les rotations, de se caresser les seins et de se masturber tout en gardant le regard plongé dans celui de G.
Les danseuses ne restent pas inactives. Des mains chaudes viennent caresser le corps de G. Des seins lourds et ronds, gros comme des melons, identiques à ceux des temples visités au cours de la journée, se frottent contre les membres en ébullition du captif. Chaque parcelle du corps est caressée, léchée, mordillée ... sauf le pénis.
Puis, soudainement, G sent une violente contraction dans le bas-ventre, puis une autre. Il grimace tandis que les tambours accélèrent leur cadence. La Kali saute comme un cabri au-dessus de lui, ses yeux s'écarquillent; elle trépigne d'impatience ! C'est alors qu'un jet de sperme jaillit de son sexe un bon mètre au-dessus de lui. La déesse a même le réflexe d'en gober quelques gouttes dans les airs. Les officiantes se précipitent alors autour de lui et le liquide séminal coule, coule, coule sans s'arrêter ! G n'en croit pas ses yeux. Il a l'impression d'en produire une quantité phénoménale. De quoi remplir le vase disposé à la base de son sexe et largement plus encore. Tous les fluides de son corps semblent se concentrer vers cette source inépuisable. Alors que G a littéralement l'impression de se dessécher, les officiantes récupèrent précautionneusement (et avidement) le précieux liquide de vie. L'orgasme masculin, normalement si bref, dure plusieurs minutes mais G ne peut y assister. Il s'évanouit dans cet effort surnaturel. La drogue a épuisé ses forces. Il sombre dans un profond sommeil.
Lorsqu'il reprend ses esprits, il est à l'infirmerie du site touristique. Un traducteur de la police lui raconte qu'il a été agressé par des bandits et que ces gredins lui ont tout volé, vêtements y compris, mais en oubliant mystérieusement son porte-feuille dans un petit monticule de cendres. Heureusement, grâce à sa carte de crédit, un rapatriement sanitaire lui est assuré, et tout ce qui a été volé lui sera également remboursé.
Peu après, G quitte les lieux, penaud, épuisé, littéralement vidé de son énergie. Il se demande alors s'il n'a pas tout simplement rêvé ... Il monte dans un taxi, l'âme en peine, et, en regardant machinalement dans le rétroviseur, il reconnaît un visage, un visage féminin, celui de la guide ! Avant même qu'il n'ait eu le temps de parler, la voiture fait une embardée et quitte la route de l'aéroport. Il ne rentrera pas en Europe avant d'avoir goutté à la nourriture locale ... parole de guide !!!